LA CRISE D’ ASTHME

                                  

                                                                       C. DUBREUIL

 

 

Le kinésithérapeute  est , en pratique de ville , rarement confronté à l’urgence médicale  . Mais comme tout praticien , il  peut à tout instant etre mis en présence d’ un tableau d’urgence : douleur thoracique ou  dyspnée aigue .En présence de  tout  signe fonctionnel exacerbé ,  le kinésithérapeute non formé à l’urgence doit suivre une logique d’action :véritable arbre décisionnel .Nous appliquerons dans cet article celle ci  à la dyspnée aigue .

les médecins généralistes et les pneumologues prescrivent souvent de la rééducation au  patient asthmatique .

Le risque étant de la part du patient une confusion des rôles avec le risque de voir un adulte ou un enfant  venir un jour en détresse respiratoire au cabinet de kinésithérapie , là ou la consultation  en urgence d’un pneumologue ou l’admission dans un service d’urgence s’imposerait  . D’ou    l’importance  pour le MK de savoir  reconnaître rapidement  la crise et prévoir  une stratégie d’urgence .

nous allons donc évoquer la crise d’asthme , sa reconnaissance , l’attitude thérapeutique standard et nous essayerons de voir la place que peut tenir le MK libéral .

L’asthme touche 7 % de la population  française , selon les études 2000 asthmatiques meurent chaque année, essentiellement des jeunes.De ces morts, 80%  pourraient être évitées si l’éducation était mieux faite ,cette éducation ne se limitant pas aux seuls patients ou à leur famille mais aussi aux professions de santé .Il apparaît que tout  retard dans le diagnostic d’urgence et dans la mise en route d’un traitement aggrave le pronostic.

Il est donc capital  d’identifier rapidement les symptômes et d’en apprécier l’urgence .

I   RECONNAITRE LA CRISE D’ASTHME.

La  crise est typique: bradypnée expiratoire suivie d’une phase d ‘expectoration .

 Les sibilants sont les signes premiers de la crise d’asthme. Mais tout ce qui siffle n’est pas asthme et les asthmes les plus graves sont silencieux  «car l’air ne passe plus » 

la toux  liée à l’hyperréactivité est un signe banal et souvent trompeur . L’inconfort de ce signe fonctionnel fait souvent passer au second rang la gène respiratoire.

Des signes O.R.L. accompagnent dans 50% des cas les signes asthmatiques et souvent même les précédent:

obstruction nasale , écoulement , éternuement.

II  EVALUER LES SIGNES DE GRAVITE

éléments  mis en évidence par le kinésithérapeute en première intention

* dyspnée+++.

* DEP< 100 -150l/mn.

éléments mis en évidence par l’équipe médicale

* difficulté à parler.

* polypnée > 30 cycles /mn accompagnée d’un tirage des muscles cervicaux.

* pouls paradoxal avec une F.C. > 120.

* perturbation de l’hématose(Pa O2 et Sa O2 abaissées ) avec éventuellement hypercapnie .

signe de gravité est le peu de variation du DEP (< 60l/mn  ) entre l’arrivée dans le service et la première heure post traitement.

 

 

 

Le tableaux qui suit résume ce qu’il faut connaître :

 


CRISE   SIMPLE                         CRISE SEVERE                CRISE AVEC SIGNES VITAUX

 

 


*  parole normale                  parole difficile                              parole  impossible

* tirage nul                            orthopnée                                     épuisement musculaire

* freq.resp. < 25/mn              freq.resp. >25/mn                        asynchronisme thoraco abd.

* freq. card.<110/mn             freq.card. >110/mn                     confusion, somnolence

* sibilances                            sibilance abolie                            silence auscultatoire       

                                              pouls paradox>15 mmhg              bradycardie hypotension

 


   DEP > 50% max.                33%< DEP< 50%                            DEP < 33% max.      

 

 

PREMIERES URGENCES

Les  gestes               ALERTER                          

                                LEVER LE BRONCHOSPASME

                                  DESENCOMBRER

                                        CALMER

 

 

** LEVER LE BRONCHOSPASME

 l’aérosolthérapie                               

3 systèmes sont proposés actuellement: nébuliseur , aérosol-doseur (spray) , inhalateur  à poudre

 

 

LES NEBULISEURS

 1 / à flux continu

* inhalette à  flux  continu généré par un compresseur ou branché sur une prise murale avec un débit  au nébuliseur de 6 à 12 l/mn ; le système générateur d’aérosol  est de type  venturi .Il faut savoir que la qualité de l’aérosol est liée à la puissance du générateur.

* inhalette à flux continu  et de type ultrasonique ,le générateur étant un quartz piézo-électrique vibrant à une fréquence> 1 Mhz. Cette vibration entraîne par cavitation une rupture de la tension superficielle du produit et donc la mise en suspension de particules = 2-3 microns

2 /  générateur d’aérosol monté en série sur un respirateur type IPPB : le Bird ou le portabird sont des appareils livrés avec un compresseur ou branché sur une prise d’air comprimé . Ce sont des relaxateurs de pression à fréquence respiratoire et à volume délivré variables : ces appareils sont souples d’utilisation mais suffisamment puissants pour délivrer des bronchodilatateurs dans  les cas de bronchoconstriction sévère.

Le  nuage souvent très dense de produit aérosolisé peut être asthmogène, et il est donc  recommandé d ‘ ajouter des  b2  sympatico mimétiques  aux  produits à aérosoliser.

Lorsque l’établissement de soin  est équipé d’un système de nébulisation : prévoir en cas de crise une  nébulisation renouvelable au bout de 20 minutes.

3/ Le Spray doseur  avec une chambre d’inhalation  peut être utilisé  dans  un  centre  médical  ou  au quotidien pour les patients. A défaut de système d’aérosolisation  tout service de kinésithérapie devrait posséder des chambres d’inhalation (se reporter au chapitre éducation)

                                               - adultes: Volumatic  Glaxo   , Nebuhaler  Astra ,Aeroscopic  Boehringer

                                         - enfants :Babyhaler, aéroscopic avec masque

Ces chambres  facilitent la prise répétée d’un spray de bronchodilatateur.

80 % de l’effet maximum ,5 minutes aprés l’inhalation

 


     10  bouffées de Bêta 2 avec chambre d’inhalation =  aérosolisation  avec générateur

 

 

4 / Les générateurs de poudre rarement utilisés dans les services hospitaliers remplacent progressivement les spray dans les poches des patients : Turbuhaler et  ventodisk peuvent être utiles comme traitement de l’urgence en cabinet.

 

 

MASQUE OU EMBOUT ?

Il parait important de réserver le masque à la pédiatrie à partir de 6 mois et aux urgences , tout aérosol à visée pulmonaire doit être équipé d’un embout buccal , l’impaction aux niveaux des voies aériennes supérieures étant trop importante dans le cas  du masque .

 

 QUEL PRODUIT NEBULISER?

 

Le produit utilisé usuellement :

 solution de salbutamol (ventoline ) 0.5%   à la dose de 0.03 ml/kg à diluer dans 4ml de  sérum physiologique   9 °/oo .  la dose minimale étant de 0.3 ml  -  dose maximale aèrosolisable  = 1ml .

 

Il existe depuis peu 2 produits distribués par unidose:

Bricanyl  unidose Terbutaline

Atrovent unidose  Ipatropium

 


Ce que le kinésithérapeute doit savoir:

Tout DEP qui atteint  40%  du score max. aprés aérosol et reste stable 60 mn

 chez l’adulte évite l’hospitalisation.  Chest 1992,101/: 1420.

 

 

 

 


 l’oxygénothérapie

 

 

L’oxygène, thérapeutique de l’urgence doit être prescrite dés que les signes annonciateurs de la crise d’asthme sont  reconnus . Le débit n’est pas limité ,toujours > à 3 litres/mn.

L’oxygène peut être administrée soit via des lunettes ou une sonde et dans les crises avec détresse respiratoire via une ventilation type AMBU; aprés intubation trachéale éventuellement.

Dans les crises de moindre importance ,il peut être intéressant de posséder un nébuliseur dont le gaz propulseur est l’oxygène pour assurer ainsi une oxygénothérapie d’appoint: méthode pratiquée en pédiatrie.

 

 

      KINESITHERAPIE

 

ASTHME PAROXYSTIQUE  :  LA CRISE

 

EN CABINET DE VILLE

Comme nous l’avons précisé en introduction , le rôle technique du kinésithérapeute  est donc avant tout d’être capable de repérer la crise , d’en apprécier  la gravité  puis  d’orienter  rapidement  le patient vers son médecin prescripteur s il a été possible de le contacter ou vers un service hospitalier .

 Cette démarche «  responsable » n’est possible que si le MK  possède  les connaissances , un  matériel minimum  d’investigation : Débitmètre portatif de pointe DEP , Oxymètre et éventuellement  un système d’aérosolthérapie  et d’oxygénothérapie .

 

 

EN CENTRE SPECIALISE  et au sein d’une équipe 

Le M.K.  peut assurer :

- la surveillance du patient : Sa O2 oxymétrique et suivi du débit de pointe  DEP

- la gestion  de la  fiche de soins .

- la mise en route des thérapeutiques d’urgence :  aérosoltherapie itérative et oxygénothérapie

 

 DEUX GESTES KINESITHERAPIQUES  :

* le contrôle de la toux est une règle de base : une  toux itérative peut déclencher ou aggraver  un

Bronchospasme . Sont donc à proscrire toutes manoeuvres intempestives : expiration forcée

 type accélération du flux  AFE et bien sur toux provoquées. Il est à noter que ces manoeuvres brutales outre

 le  risque de bronchospasme , ont un coût énergétique excessif  ( V O2 majorée) . 

* le désencombrement  s’impose dans la phase sécrétante et , d’expérience il apparaît que beaucoup de patients sont non seulement bronchospamés mais  surinfectés . La liberté des voies aériennes favorise de plus la pénétration des aérosols et permet d’apprécier la part de l’encombrement dans la dyspnée.

C’est donc un véritable challenge de trouver un compromis entre l’efficacité du drainage et son coût énergétique ; c’est un défi de choisir des manoeuvres  appropriées évitant des toux intempestives asthmogénes et épuisantes ; en fait le choix se portera sur des manoeuvres d’accompagnement expiratoires ayant pour but la migration des sécrétions vers les voies aériennes supérieures ,d’ou il sera aisé de les expectorer.

Il faut donc obtenir une expiration  à petit débit  et à temps expiratoire non prolongé . Il est  par ailleurs nécessaire de travailler dans le volume moyen de la cage thoracique distendu .Tout cela est  bien sur affaire de perceptions tactiles , auditives et visuelles.

Face à une polypnée ( fréquence respiratoire élevée ) , les techniques de drainage ainsi menées  favorisent  un contrôle de la ventilation , l’expectoration  facilitant à son tour  la correction de  la dyspnée.

 

 

En présence d’une crise objectivement moins sévère mais ayant une traduction psychologique et fonctionnelle importante , le massage et la relaxation ont une place  primordiale, d’autant plus que le « calme » ainsi obtenu modère la ventilation.

Le massage aux  techniques aussi nombreuses que variées intéresse les régions cervico dorsales , les trapèzes ,  et les intercostaux . Certains utilisent  le massage réflexe.

 

Les massages ne  sont bien sur pas contre-indiqués dans les crises graves , ne serait ce que pour la présence rassurante du kinésithérapeute ,mais ils ne peuvent en aucun cas  être une thérapeutique de première intention .

 

 

 

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BIBLIOGRAPHIE

 

DESSANGES J. F. -Petit guide de la nébulisation , BOERHINGER- INGELHEIM , BPS.

 

 

 

P.VIVET, P. ARCHAMBAULT. Prévenir l’asthme mortel. Rev Prescrire 1990 ; 10 : 110-112.

 

J.PAUPE, P. SCHEINMANN. Prise en charge de l’asthme de l’enfant, Sem Hôp, 1991 ; N° 67 : 473-485.

 

GUIDELINES FOR THE DIAGNOSIS AND MANAGEMENT OF ASTHMA. National Heart, Lung and Blood Institute: NationalAsthma Education Program. Expert panel report. J Allergy Clin Immunol 1991 ; 88 (3 pt2) : 425-534.

 

INTERNATIONAL CONSENSUS REPORT ON DIAGNOSIS AND TREATMENT OF ASTHMA. National Heart, Lung and Blood Institute - N.I.H., Bethesda. Publication n°92.3091. March 1992.

 

C.F. Donner, P. Howard . Pulmonary rehabilitation in chronic obstructive pulmonary disease  (COPD) with the recommendatons for its use. Report of the European Respiratory Society Rehabilitation and Chronic Care Scietific Group ( S.E.P.C.R. Rehabilitation Working Group ). Eur Respir J 1992, 5, 266-275.

 

In  Allergologie Pédiatrique : Jean Paupe ,Pierre Schennmann , Jacques de Blic. Ed. FLAMMARION 2° édition  , PARIS,1994 ,636 p.

 

BARRIOT P.  , ROU B. ,  RONCUI L. ,  NOTO R. Deaths during asthma attacks in children.Intensive Care Medecine,1987,13 , 464.

 

 

 

ASTHME MORTEL

                                               Dr P. Barriot         

 

2000 personnes meurent  chaque année en France d’une crise d’asthme.

Le patient à risque :

* antécédents d’asthme grave ou d’hospitalisation en réanimation

problèmes psychologiques : dépression, conflits parents - enfants.

* grande variation circadienne du débit de pointe DEP:

* patients ayant déjà subi des crises atypiques avec perte de connaissance ,crise comitiale et trouble de

conscience.

 

Facteurs contributifs:

sous estimation de la crise     intérêt du DEP

* mauvaise observance thérapeutique *traitement de la crise insuffisant ou inopérant: sous médication,

utilisation  incorrecte ou insuffisante des Bêta mimétiques ou des corticoides.

 

                L’ASTHME CHEZ LE NOURRISSON

L’asthme du nourrisson se définit comme tout épisode dyspnéique avec sibilants qui se reproduit au moins 3 fois avant l’âge de 2 ans ,quel que soit le facteur déclenchant et l’existence ou non d’un terrain atopique . Cette définition très large permet une meilleure prise en charge et lutte contre le sous diagnostic.

L ‘  asthme prend habituellement le caractère de la bronchiolite aiguë virale . la crise est alors précédée d’une infection des voies aériennes supérieures , puis le tableau se constitue en quelques jours avec une toux sèche , quinteuse , une polypnée , un wheezing , et des signes de lutte . Le thorax est distendu avec à l’auscultation les râles sibilants souvent associés à d’autres râles ronflants ou sous - crépitants . L’ évolution se fait habituellement vers la guérison en 7 à 10 jours. Ailleurs le nourrisson a un wheezing continu.

Au décours d’une bronchiolite , le wheezing , les sibilants et mème le tirage persistent , parfois pendant plusieurs semaines ou mois .L’intensité de ces manifestations varie avec les infections ORL et l’activité du nourrisson: elles augmentent à l’excitation , au repas et diminuent pendant le sommeil . Ce nourrisson garde néanmoins une activité , un appétit et un développement staturo- pondéral normaux.

Ailleurs les épisodes sifflants sont plus proches de ceux de l’asthmatique plus grand :

-sibilants ou toux spasmodique , volontiers nocturnes , en dehors de toute virose ,au rire , à l’excitation , aux jeux .

-crises sévères pouvant conduire à l’état de mal asthmatique . 

 

DIAGNOSTIC

Il est difficile lors des premiers accès dyspnéiques de distinguer les premières crises d’asthme d’une simple bronchiolite . broncho-bronchiolaire avec présence d’un wheezing .

 

le traitement de la crise fait appel aux mêmes classes de médicaments et aux mêmes schémas thérapeutiques que ceux de l’enfant plus âgé . Cependant l’imprévisibilité des effets de la pharmacothérapie antiasthmatique doit être connue . On ne peut plus incriminer un déficit de muscle lisse bronchique ni de récepteurs B- adrénergiques . La faible pénétration des traitements inhalés dans les voies aériennes inférieures , est en partie au moins liée à la prépondérance des phénomènes inflammatoires de la muqueuse sur les phénomènes spastiques . Elle est responsable de certaines réponses faussement négatives . Les nébulisations de bronchodilatateurs peuvent être utilisées , mais elles n’ont pas le plus souvent l’efficacité qu’elles ont chez l’enfant de plus de 2 ans .  Une surveillance de la SaO2 permet de déceler une hypoxie chez des nourrissons de moins de 3 mois ( en raison du risque d’apnées ) , lorsque les difficultés respiratoires gênent suffisamment l’alimentation , et chaque fois qu’il existe des signes de détresse respiratoire importants faisant craindre l’épuisement ( tirage , polypnée , cyanose , sueurs ......) . En milieu hospitalier , le traitement symptomatique repose sur l’oxygénothérapie contrôlée par la mesure de la saturation transcutanée en O2 ( SaO2 > 95%) .